Tout a été dit et écrit au sujet de l’organiste Suzanne Chaisemartin. Le témoignage que je peux apporter est personnel et anecdotique.
C’est en 1957 que j’ai rencontré Suzanne Chaisemartin où l’insolente inconscience de mes 20 ans me propulsait aux tribunes d’orgue. A Saint Augustin elle m’a accueilli sèchement avec un brin d’amabilité, mais elle me trouva poli… Quand j’entrepris de sérieuses études d’orgue à l’Ecole César Franck d’abord, puis au CNSM ensuite, nos rencontres furent plus fréquentes et au fil des ans j’appris à commencer à la connaître.
Je découvrais la réelle personnalité d’une femme opiniâtre, extrêmement consciencieuse dans son travail musical, exigeante envers elle-même, comme elle l’était avec ses nombreux élèves. Très réservée, prudente, elle savait se protéger, éviter les « raseurs » et les « cancaniers » et préférait ne rien dire plutôt que critiquer. Lorsque je la félicitais sur son interprétation parfaite de la Toccata de la 2e Symphonie de Marcel Dupré, elle me confia comment elle l’avait travaillée : quand elle enseignait à Dijon et que l’étudiant suivant tardait à venir, elle profitait de ce moment pour répéter. Elle a eu une hygiène de vie exemplaire, faisant sa gymnastique tous les matins me racontait-elle.
Elle faisait partie de ces rares organistes qui assistent aux concerts de ses collègues et avait souvent des anecdotes drôles, amusantes, quelquefois caustiques, à raconter en privé, car elle aimait également rire.
Son travail personnel, sa persévérance, son honnêteté musicale, sa rigueur, son respect du texte, l’ont acheminée vers un haut niveau de technique maîtrisée tout au long de sa longue vie bien remplie.
Raphaël Tambyeff